Traitement des plaies traumatiques
Katia BUSTAMANTE
(mise à jour : 2007)
Par leur fréquence, les plaies traumatiques concernent au plus près la pratique quotidienne de nombreux acteurs de la santé ; médecin généraliste en ville, infirmière libérale et hospitalière, médecin urgentiste, chirurgien maxillofacial, orthopédiste ou plasticien… Définies comme une interruption de l’intégrité du revêtement cutané ou muqueux, elles peuvent être d’étiologies très diverses. Cette diversité et cette ubiquité rendent une approche globale difficile ; des spécificités de prise en charge se dégagent en fonction des étiologies et des localisations. Le plus souvent d’origine mécanique, thermique ou chimique, les plaies peuvent aussi résulter d’une pathologie évolutive pré-existente (ulcérations d’étiologies variées). Nous restreindrons donc volontairement l’exposé aux plaies essentiellement cutanées et des membres en excluant les brûlures et les séquelles traumatiques, de prise en charge très spécifique.
Si la suture reste la meilleure méthode pour fermer une plaie, d’autres solutions sont à la disposition du praticien en cas de plaie non suturable, complexe ou septique. Malgré l’avancée des techniques chirurgicales, les plaies cutanées peuvent devenir un véritable défi thérapeutique en cas de chronicité ou de septicité, il paraît donc souhaitable de connaître ces solutions. Si le traitement peut faire appel à tout l’arsenal thérapeutique de la chirurgie plastique en fonction du degré de complexité de la plaie, nous rappellerons les règles de base d’une suture simple puis les principes de traitement en fonction des spécificités topographiques et étiologiques de ces plaies.
PRINCIPES DE TRAITEMENT
Bilan des lésions initiales
L’interrogatoire précise l’heure du traumatisme (délai des 12 h fixé comme limite raisonnable de réparations primaires), les circonstances de l’accident, l’âge, la profession et l’état des vaccinations antitétaniques. Le caractère franc ou contus de la plaie est à relever. On notera toutes les tares susceptibles de retarder une cicatrisation normale voire de favoriser une infection: diabète, artérite, néoplasie, tabagisme ou immunodépression.
L’examen de la lésion se fait sur un patient allongé, confortablement installé dans une pièce bien éclairée. On procède au retrait du pansement avec douceur et humidifié au sérum physiologique. Le siège, l’importance, le caractère franc ou contus de la plaie et la vitalité tissulaire sont relevés. On effectue un bilan anatomique à la recherche d’une lésion vasculaire, nerveuse, tendineuse, osseuse ou viscérale.
Nous détaillerons successivement le traitement d’une plaie simple, d’une plaie septique ou vue tardivement, d’une plaie avec petite perte de substance cutanée et le problème particulier des dégantages.
Bilan complémentaire. En cas de plaie cutanée simple, un bilan complémentaire est rarement nécessaire. Au moindre doute et en fonction des circonstances de l’accident, la radiographie standard est de bon aloi pour éliminer une fracture sous-jacente.
Traitement d’une plaie cutanée
Plaie cutanée simple
L’installation
Aussi petite que soit la plaie, on ne lésinera pas sur les précautions d’asepsie avec un lavage chirurgical des mains, le port de gants stériles, un badigeon antiseptique large et l’utilisation de champs stériles ou d’un champ troué. L’éclairage doit être de bonne qualité.
L’anesthésie locale
Son indication doit être large pour permettre un parage et une suture de bonne qualité. On privilégie la xylocaïne adrénalinée à 1% en l’absence d’allergie (encore que les vraies allergies soit rares) sauf sur les extrémités. On débute l’anesthésie sur une des berges, de proche en proche avec une seule piqûre. Son efficacité est bien sûr vérifiée. On ne dépasse pas 40cc, cette quantité peut être diluée de moitié au sérum physiologique en cas de terrain fragilisé voire additionnée de sérum glacé.

Le parage
Il débute par un lavage abondant au sérum physiologique ou bétadiné voire à l’eau oxygénée, l’ablation des corps étrangers et un brossage. Le parage excise les tissus contus ou voués à la nécrose. Il ne doit être ni excessif ni incomplet (infection). L’hémostase doit être soignée soit par un ligature soit par coagulation au bistouri électrique. En cas de dermabrasion simple, un brossage soigneux de la plaie avec ablation des corps étrangers est recommandé pour limiter le risque septique et la rançon cicatricielle.
Le drainage
Il n’est pas systématique et s’évalue en fonction du risque hémorragique. On utilisera des crins de Florence, une lame ou un drain.

La suture
Lorsqu’elle est possible, la suture reste le meilleur moyen de fermer une plaie simple. Elle se fait plan par plan, de la profondeur à la superficie, en évitant tout décalage. On privilégiera les points à appui dermique, inversant et éversants pour optimiser l’affrontement dermique. Ils chargent le derme de la profondeur à la superficie sur le premier côté et de la superficie à la profondeur sur le second. De même l’affrontement épidermique est réalisé soit par des points séparés superficiels mis en complément des points dermiques ou par le surjet intradermique. Le point idéal est légèrement éversant. L’aiguille charge plus largement en profondeur qu’en superficie. Le nœud est modérément serré et placé latéralement par rapport à la plaie. On utilise en général des fils monobrins synthétiques( Prolène® ou Ethicrin®) pour le plan cutané.
Le pansement
Il doit être légèrement compressif pendant 24 à 48h. Puis, la plaie est soit laissée à l’air ou couverte par un pansement sec. La couverture antibiotique n’est pas systématique si la plaie est propre. Les deux risques majeurs à ce stade de traitement de la plaie sont l’hématome et l’infection.
Plaie cutanée septique ou vue tardivement
On insistera tout particulièrement sur le nettoyage et le parage. Le lavage est abondant avec du sérum physiologique ou bétadiné voire à l’eau oxygénée. Le drainage est alors quasi-systématique, le plus souvent à l’aide d’une lame pour permettre une irrigation ultérieure. La plaie est suturée lâchement ou laissée à cicatrisation dirigée. En cas de suspicion d’infection au Pyocyanique, le pansement est réalisé humide à l’eau boriquée (acide borique à 3%). On évitera d’utiliser des antiseptiques colorés qui gênent l’appréciation de la vitalité tissulaire : on préfèrera un pansement humide au sérum physiologique simple que bétadiné. Si la plaie est très sale, on optera pour une cicatrisation dirigée. La couverture antibiotique n’est là encore pas systématique (Augmentin® ou Pyostacine®). Les plaies cutanées par morsure à haut potentiel septique seront étudiées plus loin.
Plaie cutanée avec petite perte de substance
Trois solutions s’offrent alors au chirurgien pour la fermeture. La suture est possible avec un décollement des berges si la laxité cutanée le permet. Si la perte de substance est plus importante, la plaie est suturée partiellement et le restant est laissé à cicatrisation dirigée. La cicatrice pourra bénéficier d’une reprise ultérieure. Enfin elle peut être entièrement laissée à cicatrisation dirigée. Ce choix de fermeture s’effectue aussi en fonction du degré de septicité de la plaie. Les plasties cutanées locales ( Z, LLL…) sont à proscrire en urgence.


Plaie cutanée avec grande perte de substance
On se cantonnera aux plaies avec perte de substance cutanée ou tout au plus musculaire sans exposition de structures nobles (nerf, vaisseau, os…), les lambeaux étant exclus de ce chapitre. La solution de la cicatrisation dirigée est alors la technique de choix. Pour ce, nous rappelons la phrase de Raymond Vilain : « En face d’une plaie, le médecin doit choisir entre la chirurgie plastique ou le pansement. Très souvent, c’est le pansement qu’il faut choisir. »
La cicatrisation dirigée consiste en une gestion du bourgeon charnu au quotidien par l’alternance judicieuse du tulle gras et du tulle cortisoné. C’est une possibilité thérapeutique non négligeable qui s’utilise en première intention en cas de perte de substance, en deuxième intention lors de l’ouverture secondaire de la plaie, de la survenue d’un hématome, d’une infection ou d’un lâchage de sutures. Elle peut aussi s’utiliser comme solution d’attente en vue d’une intervention chirurgicale différée. Le bénéfice principal de la cicatrisation dirigée est celui de la rétraction cutanée qui peut aller de 40 à 50%. Si la solution de la cicatrisation dirigée a été choisie, une deuxième intervention est en principe nécessaire pour une greffe dermo-épidermique de peau mince. Le traitement consiste en un pansement quotidien de la plaie avec, après un éventuel parage, nettoyage au sérum physiologique et mise en place de vaseline en quantité très abondante et de tulle gras. En cas d’hyper bourgeonnement, le pansement est refait avec le tulle cortisoné sans vaseline.
On rappellera pour mémoire les tissus bourgeonnant mal : la graisse passible de nécrose, les tissus fibreux (aponévrose, tendon), l’os et le cartilage sujets à la dessiccation et la chondrite, les nerfs, les gros vaisseaux susceptibles de s’ulcérer à J15, les organes digestifs et le cerveau.
La cicatrisation dirigée trouve des applications spécifiques en traumatologie pour les pulpes digitales permettant de recouvrer une meilleure sensibilité, pour de petites surfaces d’os dépériosté à l’aide d’un pansement gras occlusif (vaseline, tulle gras et papier du tulle dans cet ordre de la profondeur à la superficie), pour les dégantages, les échecs de lambeaux sophistiqués, et les désunions cicatricielles.



Cas particulier du dégantage
Il se caractérise par une perte de substance cutanée étendue avec conservation des lambeaux cutanés, les perforantes musculo-cutanées ayant été arrachées. Ce type de plaie prédomine chez la femme âgée au membre inférieur au cours d’un accident domestique. Le traitement chirurgical repose sur un brossage du membre et des lambeaux cutanés avec un lavage abondant (plusieurs litres) de sérum physiologique. Le lavage à l'eau sous pression, si l’on en dispose, permet une excellente détersion mécanique. Un parage des berges et des parties molles est effectué soigneusement. La face profonde des lambeaux cutanés est dégraissée et repositionnée comme une greffe de peau totale. Des perforations transfixiantes sont faîtes en nombre ainsi que des points de capiton multiples. Le pansement doit être refait de façon quotidienne au bloc opératoire pour apprécier la vitalité des lambeaux tissulaires repositionnés et surveiller la délimitation des zones vouées à la nécrose.
Au membre inférieur, les dégantages de jambes sont une source considérable de morbidité. Un traitement inapproprié avec suture initiale conduit quasi inéluctablement à la nécrose avec agrandissement de la perte de substance initiale et une guérison retardée. Initialement les attitudes étaient conservatrices avec parage et repositionnement des lambeaux sans tension. Les greffes cutanées primaires et secondaires après excision cutanée ont ensuite été préconisées. Au niveau du membre inférieur des études randomisées mettent en évidence un temps de guérison significativement plus court pour l’excision avec greffe. Certaines équipes utilisent maintenant le pansement à pression négative après le repositionnement des lambeaux cutanés perforés. Il paraît important de détailler cette technique qui est une arme supplémentaire dans le traitement des plaies.



La technique du pansement à pression négative : plaies chroniques et complexes
La technique du pansement sous dépression mérite qu’on s’y attarde car elle constitue une solution efficace pour le traitement des plaies chroniques et complexes. Elle s’utilise comme une thérapie additionnelle avant ou après chirurgie ou comme une alternative à la chirurgie en cas de terrain débilité. Face à une augmentation constante de ces plaies chroniques notamment au sein de la population âgée, le pansement à pression négative est une possibilité thérapeutique non négligeable.
Le principe est celui d’une mousse de polyuréthane réticulé placée sur la plaie, recouverte d’un film protecteur relié à un récipient sur lequel une dépression atmosphérique de 125 mm Hg est appliquée. Cette dépression est continue ou intermittente avec un changement du dispositif toutes les 48 h. En règle générale, la dépression est continue les 48 premières heures puis intermittente avec un cycle de 5mn de vide et 2mn de repos. Le dispositif est mis en place après un parage chirurgical au bloc opératoire. En cas de corticale osseuse exposée, certaines équipes optent pour la décortication avant de mettre le système en place pour accélérer la granulation, de même en cas d’exposition vasculaire un transfert tissulaire sera effectué au préalable. De larges volumes quotidiens de liquide interstitiel peuvent être aspirés (jusqu’à 4 litres par jour) pour les plaies aiguës. Si l’hémodynamique est stable et la diurèse surveillée, il n’y a pas de compensation nécessaire pour assurer l’homéostase. Dès que le bourgeon de granulation est de bonne qualité, certaines équipes réalisent une greffe dermo-épidermique expansée en replaçant le système de dépression les premiers jours pour assurer une meilleure adhérence.
Les indications de ces techniques sont les plaies chroniques (escarres, ulcères veineux, radiques, vasculaires, diabétiques) avec terrain débilité ou échec de procédures de pansement ou chirurgicales multiples, les plaies subaiguës (infectées, déhiscentes, avulsions, dégantages, amputations ouvertes…) et les plaies aiguës avec potentiel septique (dégantages, avulsions, évacuation d’hématomes, plaies par arme à feu…). Les deux complications essentielles du pansement à pression négative sont la douleur à l’installation de la dépression qui dure une vingtaine de minute (palliée par l’installation d’une dépression de 50 mmHg puis progressive) et l’érosion des tissus adjacents à la plaie. L’odeur peut devenir un inconfort surtout dans les plaies chroniques. On y remédie par une douche ou un nettoyage approprié de la plaie.
Les avantages du système sont l’obtention plus rapide d’un tissu de granulation avec une diminution de la flore bactérienne sur la plaie et donc un traitement de la plaie plus rapide avec un coût moindre. Les trois explications physiologiques sont le retrait de l’excès du liquide interstitiel, une augmentation de la vascularité tissulaire combinée à une colonisation bactérienne diminuée et une stimulation des tissus périphériques à la plaie par le vide.
SPECIFICITES TOPOGRAPHIQUES
Nous détaillerons le traitement des plaies cutanées des membres avec leurs particularités topographiques qui sont les plus fréquentes en pratique quotidienne..
La problématique
Les étiologies des plaies au membre inférieur sont dominées par les accidents de la voie publique (moto) dans le cadre de polytraumatismes. L’examen clinique recherche surtout une exposition articulaire, nerveuse ou vasculaire. Les plaies concernent essentiellement la moitié inférieure de jambe. Nous illustrerons de façon spécifique les dégantages abordés précédemment. Ces problématiques ont permis une avancée fantastique de la chirurgie reconstructrice avec la mise au point des lambeaux fasciocutanés et de la microchirurgie.
On rappellera les deux urgences absolues des plaies des membres qui sont l’ouverture articulaire exposant au risque d’arthrite septique et l’exposition d’un pontage. En effet les vaisseaux exposés à l’air s’ulcèrent avec un risque à J15, J18 d’hémorragie brutale par rupture de la plaque septique sous la pression artérielle. Les veines sont sujettes à la thrombose en cas de non-couverture.
Une stratégie de prise en charge globale de la plaie est alors nécessaire avec un parage soigneux (musculaire, osseux, cutané) et une couverture du défect en urgence ou en différé. Les avantages d’une couverture en urgence sont un temps opératoire diminué, une septicité mieux maîtrisée, un parage suffisant et une appréciation parfaite de la perméabilité de l’axe vasculaire avec la réalisation de l’artériographie qui permet un choix de lambeau adapté.
Les plaies simples
Lorsque c’est possible, on pensera à orienter la cicatrice dans l’axe du membre. La laxité cutanée au membre inférieur étant plus importante, elle autorise un parage plus conséquent. Si la plaie est franche, on favorisera le surjet intradermique. Même en regard d’un pli de flexion (genou, coude) le surjet intradermique est réalisable, il suffit de retirer le fil plus tardivement (3 voire 4 semaines avec un prolène® 2/0)
Plaies avec atteinte des parties molles
Après parage, la plaie est fermée par suture, laissée à cicatrisation dirigée en cas de défect cutané plus important avec plus ou moins greffe de peau mince ultérieure. Il en est de même pour l’avulsion cutanée et le dégantage.

Plaies avec défect osseux
Après l’obtention d’un parage correct et d’une stabilité osseuse par ostéosynthèse, se pose le problème de la couverture dans le même temps. Il se discute en fonction de l’état de la plaie (infection) et de l’existence sur place d’une double équipe et de sa disponibilité. Un pansement d’attente humide ou au tulle gras est toujours réalisable.


Traumatisme grave et complexe
En cas de traumatisme complexe, peut se poser la conservation du membre ou une intervention de reconstruction complexe avec un résultat fonctionnel aléatoire et lointain : on recherchera alors une lésion du nerf tibial postérieur et l’intérêt du membre banque.
Spécificités topographiques
Cuisse
La laxité cutanée et les masses musculaires étant importantes, le traitement d’une plaie autorise en général une technique simple. L’urgence de couverture est liée au triangle de Scarpa avec exposition des vaisseaux fémoraux. Les deux lambeaux de la région sont le lambeau de Taylor et le tenseur du fascia lata. En cas de grande perte de substance cutanée, on fera appel à un lambeau libre.
Genou
Le lambeau roi est celui de muscle jumeau.


Jambe
La face antérieure du tibia est la plus exposée aux traumatismes. Sa peau fine et non élastique avec un derme fragile n’autorise aucune suture sous tension.
Cheville et pied
C’est la région du membre inférieur la plus exposée aux traumatismes avec les accidents de la voie publique, les chutes, les coups de feu, les tondeuses à gazon, les traumatismes industriels. Le lambeau princeps de la région est le supra malléolaire externe. Les deux grands lambeaux libres sont le grand dorsal et le lambeau antibrachial radial ("chinois").


Membre supérieur
Au membre supérieur, en cas de plaie cutanée, les lésions associées seront systématiquement recherchées car plus fréquentes (vasculaire, nerveuse, osseuse) La couverture cutanée répond à deux impératifs : fonctionnel pour préserver les mobilités articulaires et esthétique car le membre supérieur est plus offert à la vue. En outre se pose la spécificité des plaies de la main avec des traumatismes propres que nous ne ferons qu’évoquer : les plaies par écrasement avec un œdème nécessitant des incisions de décharges, l’ouverture du canal carpien, les presses chauffantes avec des brûlures, les plaies par armes à feu avec atteinte pluritissulaire et les plaies agricoles souvent contuses et potentiellement septiques.

COMPLICATIONS DES PLAIES CUTANÉES
Les complications des plaies cutanées sont dominées par l’hématome et les infections. Dans les deux cas, il faut désunir partiellement la suture pour évacuer la collection, laver et drainer. Nous allons détailler de façon plus approfondie les infections car elles posent en général plus de problèmes au praticien que l’hématome.
Les germes retrouvés dans les plaies cutanées sont par ordre de fréquence les entérobactéries, les staphylocoques, les anaérobies et le tétanos. On rappellera que toute plaie est colonisée par une flore bactérienne normale avec une agressivité réduite (Staphylococcus epidermidis, aureus, Propionibacterium acnes, Corynébactéries acnes, Lactobacillus et Candida). L’infection est favorisée par des facteurs locaux (ischémie, nécrose, hématome, espace mort, corps étrangers) et des facteurs généraux (hypoxie, hypovolémie, infections associées, diabète, immunodéficiences : HIV, corticothérapie, néoplasie, chimiothérapie…) L’infection va alors se manifester par des symptômes locaux (tension, douleur, chaleur, rougeur, exsudat, odeur) et parfois aussi évoluer vers un état toxique systémique par bactériémie (Staphylocoque, Streptocoque ou Pyocyanique) ou par production d’une toxine bactérienne (Clostridia).
On peut résumer l’infection des plaies cutanées en trois catégories principales : les infections par pyogènes non spécifiques, les infections spécifiques et les infections par morsure ou griffure.
Infections par pyogènes non spécifiques
Les plaies post-traumatiques sont infectées par des bactéries provenant d’objets blessants souillés et de l’environnement. Les germes les plus fréquents sont les entérobactéries et les staphylocoques. Les infections à anaérobies sont plus rares. Les plaies cutanées postopératoires sont infectées par des germes provenant essentiellement de la flore endogène du malade mais aussi de germes aéroportés ou manu portés. Dans les deux cas, on distinguera une simple colonisation de la plaie d’une véritable infection. Outre l’examen clinique avec les signes infectieux précédemment cités, l’examen microbiologique direct revêt une importance capitale. En effet, la présence de polynucléaires associée à celle des germes au direct est en faveur d’une infection, d’autant plus que la culture sera positive. En revanche, une culture positive sans polynucléaires ni germe au direct sera plutôt en faveur d’une simple colonisation. L’infection d’une plaie confirmée bactériologiquement est traitée par antibiothérapie basée sur l’antibiogramme.
Infections spécifiques des plaies cutanées
Elles sont représentées par le tétanos, la gangrène gazeuse et les germes transmis par les animaux sauvages (charbon, rouget du porc, tularémie) dont nous ne rappellerons que les grandes lignes de traitement.
Le tétanos est du à la production au niveau de la plaie d’une endotoxine par Clostridium tetani, bacille gram-positif, anaérobie et sporulé. Les plaies cutanées contaminées par la terre, la poussière de route ou domestique sont donc à risque de contamination par C. tetani. La létalité du tétanos est encore de 30 à 70% malgré l’administration plus ou moins précoce d’antitoxine tétanique. La prévention du tétanos repose sur le nettoyage et parage précoces de la plaie évitant ainsi l’anaérobiose, l’injection de rappel d’anatoxine et l’injection d’immunoglobulines humaines antitétaniques.
La gangrène gazeuse est provoquée par les Clostridia (perfringens, oedematiens, septicum, histolyticum), bacilles grams-positifs, anaérobies, sporulés, capables de produire des exotoxines nécrosantes. Ces germes sont aussi d’origine tellurique mais également commensaux naturels des muqueuses surtout digestives. On distingue les gangrènes post-traumatiques dues à des plaies souillées anfractueuses et les gangrènes post-opératoires dans le cadre d’une chirurgie septique ( abdominale, pelvienne ou périnéale) voir aseptique mais avec ischémie locale, hématomes ou terrain débilité. La gangrène gazeuse se caractérise par une myosite nécrosante rapidement extensive avec localement, douleur vive, écoulement séreux nauséabond, crépitation neigeuse sous-cutanée. Une radiographie objective la présence de gaz en sous-cutané. La fièvre est élevée avec altération de l’état général pouvant aller jusqu’à l’état de choc. L’urgence chirurgicale et thérapeutique est extrême. Le patient est le plus souvent en service de réanimation. Le traitement chirurgical repose sur une excision des tissus nécrosés, un débridement de toutes les zones tissulaires douteuses avec un lavage abondant aux antiseptiques et à l’eau oxygénée. Le pansement est refait quotidiennement au bloc opératoire. On y adjoint une oxygénothérapie hyperbare et une antibiothérapie intraveineuse à large spectre.
Les maladies du charbon, du rouget du porc et la tularémie s’inoculent par des plaies cutanées parfois minimes. Les réservoirs de ces maladies sont les animaux sauvages. La transmission peut aussi se faire en cas de morsure ou griffure. Le diagnostic repose sur l’épidémiologie avec la recherche d’une profession exposée. L’antibiothérapie repose sur les pénicillines pour le charbon et le rouget du porc et les tétracyclines pour la tularémie.
Infections des plaies par morsure ou griffure
Ces plaies cutanées ont la caractéristique d’avoir un haut potentiel septique. Les morsures ou griffures animales peuvent provoquer des infections bactériennes aspécifiques de par les germes présents dans la cavité buccale et d’origine tellurique (Staphylocoque doré, epidermidis, Capnocytophaga canimorsus, Neisseria sp, Moraxella sp…). Les infections bactériennes spécifiques sont la pasteurellose, la maladie des griffes du chat et la rage. Quant aux plaies par morsure humaine, elles ont un pronostic redoutable de part la surinfection encore plus importante que dans les morsures animales. Les germes retrouvés sont à la fois aérobies (Staphylococcus aureus, Streptococcus sp, Eikenella corrodens, Haemophilus influenzae, Klebsiella pneumoniae…) et anaérobies (Bacteroides sp, Fusobacterium sp, Peptostreptococcus sp…). Le syndrome particulier des plaies cutanées provoquées par coup de poing sur les dents de l’adversaire (clenched fist-injury) est à connaître car il se complique d’un sepsis locorégional (abcès, arthrite, ostéite, ténosynovite ) Les plaies souvent minimes se localisent le plus souvent sur les 3èmes et 4èmes métacarpiens et le risque de phlegmon des gaines imposent une surveillance quotidienne accrue. Nous détaillerons la prise en charge de ces plaies dans le sous chapitre suivant.
SPÉCIFICITÉS ÉTIOLOGIQUES
Les morsures et griffures
L’examen clinique précise l’étendue, la profondeur, la localisation, l’aspect et l’ancienneté de la plaie cutanée. Les lésions associées (vasculaires, tendineuse, articulaire, osseuse, nerveuse) sont recherchées. Une exploration au bloc opératoire et une radiographie standard sont pratiquées au moindre doute. Des prélèvements bactériologiques sont effectués, locaux (pus, sérosité, fragment cutané de parage) voire systémique (hémocultures) en cas de septicémie associée. Le traitement chirurgical associe un lavage abondant de la plaie avec un antiseptique, de l’eau oxygénée, un rinçage abondant au sérum physiologique, et un parage de la plaie. Les lésions associées sont réparées. Classiquement la fermeture cutanée ne doit pas se faire. En pratique la suture est effectuée à points lâches pour prévenir le risque de septicité ou un rapprochement des berges est réalisé pour limiter le préjudice esthétique. Sur certaines localisations (visage), si la plaie est vue précocement et en fonction de l’état cutané, la fermeture cutanée d’emblée est faite sous couverture antibiotique. Pour les membres (notamment la main) on immobilisera le membre. On n’oubliera pas la prévention antitétanique et antirabique en cas de morsure animale. Le traitement antibiotique est systématique, à large spectre, à réactualiser à 48-72 heures en fonction des prélèvements bactériologiques. On peut proposer soit amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin®), 2 à 3 g per os/24h ou de la doxycycline (Vibramycine®) 200 mg/24h associée au métronidazole (Flagyl®) 2g/24H per os.


Les piqûres
Les plaies cutanées par piqûres sont d’étiologies très variées avec des piqûres d’insectes, des épines de végétaux, des accidents domestiques ou des accidents du travail ou chez les toxicomanes.
La gravité de ces plaies réside dans leur porte d’entrée minime, avec une inoculation septique de degré variable. Les complications de ces plaies sont dominées par le risque infectieux avec nécrose tissulaire, cellulite, panaris, phlegmon…
La surveillance de ces plaies est quotidienne avec mise sous antibiothérapie, prévention antitétanique et mise à plat chirurgicale si nécessaire.

CONCLUSION
Par leur grande diversité et leurs étiologies multiples, les plaies cutanées traumatiques méritent qu’on s’y attarde. Si le traitement le plus approprié reste la suture, cette dernière n’est pas toujours réalisable, et les autres techniques comme la cicatrisation dirigée, la greffe dermo-épidermique, le pansement sous dépression peuvent s’avérer fort utiles et sont à connaître. La complication majeure à redouter après traitement d’une plaie cutanée reste l’infection à laquelle on palliera par des règles d’asepsie stricte, un parage méthodique et un traitement chirurgical et antibiotique appropriés.
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