Aspects anatomo-pathologiques de la cicatrisation

Olivier VEROLA
(mise à jour : 2006)

La cicatrisation est la dernière étape d'un processus inflammatoire qui se déroule en 4 phases :

 

  • 1. Phase inflammatoire vasculaire

  • 2. Phase inflammatoire granulomateuse

  • 3. Phase de bourgeon charnu

  • 4. Phase de cicatrisation proprement dite

 

Le processus inflammatoire a pour buts :

 

  • De réagir aux dégâts dûs à l'agression tissulaire quelle qu'en soit la nature

    • en limitant son extension (phase vasculaire)

    • en assurant la détersion (phase granulomateuse)

  • De rétablir une continuité tissulaire temporaire (phase de bourgeon charnu)

  • De rétablir une continuité définitive (re-épithélialisation, et cicatrisation définitive)

 

Eléments du processus inflammatoire : facteurs humoraux et cellulaires multiples permettant le recrutement et l’activation des différentes cellules. Les cellules intervenant dans le processus inflammatoire :

 

  • Eléments inflammatoires

    • Les mastocytes : rôle dans la vasodilatation et la perméabilité capillaire

    • Les polynucléaires (microphages et facteurs chimiotactiques)

    • Les histiocytes macrophages : rôle majeur de phagocytose

    • Les lymphocytes et plasmocytes : rôle dans l'immunité et les interactions cellulaires

  • Cellules endothéliales

  • Fibroblastes et myofibroblastes synthétisent :

    • Les collagènes

    • Les éléments non fibrillaires de la matrice extra-cellulaire (ténascéine, fibronectine, protéoglycanes…)

  • Cellules épithéliales à partir desquelles se déroule la reépithélialisation de la plaie (kératinocytes)

 

Figure 0

Eléments du processus : polynucléaires neutrophiles et monocytes / macrophages avec particules de phagocytose intracytoplasmiques (phagosomes)

Figure 5

Phase vasculo-exsudative diapédèse de polynucléaires et de monocytes/macrophages

Figure 6

Phase vasculo-exsudative de la superficie vers la profondeur : exsudat fibrineux avec réseau maillé, polynucléaires et arrivée des monocytes/macrophages

Figure 7

Phase vasculo-exsudative idem fg 6 avec oédème important

figure 8

Phase granulomateuse : nombreux monocytes/macrophages avec cellule géante macrophagique et lymphocytes

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Phase granulomateuse : macrophages avec phagosomes (débris de phagocytose intracytoplasmiques), lymphocytes et plasmocytes

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Phase granulomateuse : idem

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Phase granulomateuse : sidérophages (macrophages ayant phagocyté l’hémosidérine libéré par la lyse des hématies lors du saignement au moment de l’agression)

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Eléments du processus : fibroblastes et fibres de collagène peu denses

PHASE INFLAMMATOIRE VASCULAIRE

Son importance et sa durée sont variables selon l’agent agresseur et l’intensité des dégâts tissulaires. Elle associe :

 

  • Vasodilatation

  • Oedème et exsudat fibrineux

  • Leucodiapédèse

 

Elle débute en quelques minutes. L’agression tissulaire va générer de nombreux médiateurs vasoactifs et des facteurs chimiotactiques sériques ou libérés par les plaquettes ou par les cellules parenchymateuses lésées. Ces facteurs vont être responsables :

 

  • de la vasodilatation et de l’augmentation de la perméabilité capillaire

  • du recrutement des leucocytes et notamment, dans cette première phase, des polynucléaires.

 

D’autres facteurs attireront plus spécifiquement les histiocytes macrophages et les lymphocytes.

 

La vasodilatation et l’augmentation de la perméabilité capillaire permettent l’issue de substances sériques (exsudat) et de cellules circulantes en dehors du circuit vasculaire, dans et autour du foyer lésionnel. Elle sont responsables de l’oedème et de l’exsudat qui vont :

 

  • diluer les substances toxiques

  • apporter des protéines sériques (Ig, fibrinogène, etc.)

  • et permettre la constitution d’un réseau de fibrine (par transformation du fibrinogène): ce réseau de fibrine réalise un maillage qui limite l’extension des lésions et guide les cellules inflammatoires.

 

La leucodiapédèse ou migration des leucocytes hors du réseau vasculaire concerne essentiellement à cette phase les polynucléaires neutrophiles ; ce sont des microphages : capables d’une certaine phagocytose, c'est à dire d’englober et de digérer certains corps étrangers et bactéries ; ils seront ensuite évacués avec l’exsudat fibrineux ou phagocytés par les macrophages ; ils sécrètent également des facteurs chimiotactiques pour les histiocytes/macrophages et les lymphocytes.

Figure 2

Phase vasculo-exsudative : schéma :plaie cutanée, vasodilatation, oédème et leucodiapédèse

Figure 3

Phase vasculo-exsudative margination des polynucléaires et diapédèse à travers la paroi capillaire

Figure 4

Phase vasculo-exsudative idem

Figure 5

Phase vasculo-exsudative diapédèse de polynucléaires et de monocytes/macrophages

PHASE INFLAMMATOIRE GRANULOMATEUSE

Rapidement les facteurs chimiotactiques attirent d’autres éléments inflammatoires pour aboutir à la formation d’un granulome inflammatoire composé à ce stade de monocytes/macrophages, lymphocytes et de plasmocytes (et de polynucléaires résiduels).

 

L’ensemble de ces cellules vont coopérer pour assurer la DETERSION +++ indispensable pour le rétablissement de la continuité. Elle est assurée par les monocytes circulants attirés sur la zone du foyer lésionnel ; ils sortent du réseau vasculaire et se transforment en macrophages dont la fonction essentielle est la phagocytose. Les macrophages ont également un rôle pivot par leur sécrétion de multiples cytokines ( CSF1, PDGF chimiotactique pour les fibroblastes, TGFalpha, Il1, TGFbéta, IGF1…)

 

La qualité de cette détersion est fondamentale pour le reste de l’évolution du processus de cicatrisation. Si cette phase de granulome ne peut évacuer les divers débris nécrotiques (des cellules tissulaires, des polynucléaires « tués à la tâche », des restes de fibrine….) il faudra, quand c’est possible, assurer une détersion externe mécanique (c’est l’incision d’un abcès par exemple).

PHASE DE BOURGEON CHARNU

Parallèlement à la détersion, à partir des 2ème- 4ème jours, se met progressivement en place un tissu transitoire qui va combler la perte de substance résultant de l’agression et de la détersion . C’est le « tissu de bourgeon charnu » ou « tissu de granulation »

 

Il est constitué :

 

  • De néo vaisseaux : à partir des vaisseaux périphériques au foyer lésionnel il va se dérouler une multiplication puis une migration de cellules endothéliales tout d’abord sous forme de cordons pleins qui se creusent secondairement de lumière vasculaire aboutissant à la reconstitution de nouveaux vaisseaux. Ces vaisseaux immatures « pénètrent » dans le foyer détergé (avec les fibroblastes/myofibroblastes) s’anastomosent en un réseau anarchique, indifférencié, richement maillé.

  • De fibroblastes - myofibroblastes synthétisant du collagène et les autres éléments de la matrice extra cellulaire accompagnent les néovaisseaux , élaborent une nouvelle matrice conjonctive provisoire; celle-ci est tout d’abord grêle, fragile, riche fibronectine et acide hyaluronique ; elle réalise un échafaudage permettant la migration d’autres fibroblastes et des néo vaisseaux

  • D’éléments du granulome inflammatoire qui continuent de migrer vers le lieu de la détersion et sécrètent des cytokines.

 

Figure 13

Bourgeon charnu débutant

figure 14

Bourgeon charnu : angiogénèse avec bourgeons et cordons vasculaires , quelques fibroblastes et trame collagénique grêle, riche en protéoglycanes

figure 15

Bourgeon charnu : idem

figure 16

Bourgeon charnu : idem capillaire creusé d’une lumière (marquage des cellules endothéliales avec un anticorps anti-CD31) avec lymphocytes

figure 17

Bourgeon charnu : idem

figure 18

Bourgeon charnu : idem

figure 19

Bourgeon charnu : idem. Réseau avec capillaires peu différenciés

figure 20

Bourgeon charnu évolué

figure 21

Bourgeon charnu : exsudat fibrino-leucocytaire en surface, réseau capillaire maillé, éléments inflammatoires du granulome

figure 22

Bourgeon charnu : idem Bourgeon charnu :idem

figure 23

Bourgeon charnu : ré épithélialisation débutante

La ré épithélialisation (d’une plaie cutanée par exemple) débute très tôt (1 à 2 jours après l’agression ) à partir de l’épiderme et des poils adjacents par la multiplication et la migration des kératinocytes entre l’exsudat et le bourgeon charnu ; cette migration est facilitée par le réseau d’intégrines et les collagénases sécrétés par les kératinocytes.

figure 30

Ré épithélialisation : à partir des berges de la plaie

figure 31

Ré épithélialisation : multiplication et migration des kératinocytes entre l’exsudat fibrino-leucocytaire et le bourgeon charnu

figure 32

Ré épithélialisation : fermeture de la perte de substance par un revêtement épithélial aminci au dessus d’un bourgeon charnu ré organisé; détachement de l’exsudat fibrino-leucocytaire, la « croûte »

figure 33

Ré épithélialisation : fermeture de la perte de substance

CICATRISATION PROPREMENT DITE

Une fois le foyer lésionnel détergé, l’agent agresseur éliminé (bactéries), la perte de substance éventuelle comblée, le processus de cicatrisation continue par :

 

  • Le remodelage du bourgeon charnu :
  • La ré épithélialisation se termine :
  • La ré orientation du néo tissu formé

 

Le remodelage du bourgeon charnu :

 

Il résulte de complexes interactions entre cellules, matrice extracellulaire et cytokines

 

  • Contraction (myofibroblastes) 2 – 3 èmes semaines (sous influence de TGFbeta1 TGFbeta2, PDGF) ; est liée aux possibilités contractiles des myofibroblastes (filaments d’actine intracytoplasmiques), leur adhérence par les récepteurs des intégrines aux fibres de collagène et au rythme de synthèse de ces dernières.
  • Raréfaction et hiérarchisation des vaisseaux : le réseau touffus et indifférencié s’organise avec arrêt de l’angiogenèse, disparition de nombreux néo capillaire (par apoptose) formation de meta artérioles et de veinules post capillaires et reconstitution d’un réseau proche de la vascularisation antérieure
  • Diminution des fibroblastes : au fur et à mesure que le réseau de fibres de collagène devient plus dense et que les besoins de synthèse diminue
  • Trame collagénique devient plus dense résultant d’u équilibre entre synthèse et catabolisme du collagène et de la matrice non fibrillaire (rôle des métalloprotéïnases décrétées par les macrophages, les cellules épithéliales, les cellules endothéliales et les fibroblastes).

 

figure 24

Bourgeon charnu : contraction du bourgeon charnu

figure 25

Bourgeon charnu : organisation

figure 26

Bourgeon charnu : organisation : de haut en bas : perte de substance avec exsudat, bourgeon charnu avec éléments du granulome, fibrose avec élaboration d’un collagène dense

figure 27

Bourgeon charnu : organisation : détail de la matrice plus dense

figure 28

Bourgeon charnu : organisation : raréfaction du réseau capillaire, matrice collagénique plus dense

figure 29

Bourgeon charnu : organisation idem

Il s’agit au début, dans les 3 premières semaines d’un tissu conjonctif encore fragile ne possédant que 20% de sa résistance ultérieure.

 

La ré épithélialisation se termine clivant les éléments restant des premières étapes (la « croûte »du nouveau tissu conjonctif.

figure (32).jpg

Ré épithélialisation : fermeture de la perte de substance par un revêtement épithélial aminci au dessus d’un bourgeon charnu ré organisé; détachement de l’exsudat fibrino-leucocytaire, la « croûte »

figure (33).jpg

Ré épithélialisation : fermeture de la perte de substance

La ré orientation du néo tissu formé. Peu à peu le tissu conjonctif ainsi formé va se modeler selon les lignes de tension.

figure 34

Cicatrisation proprement dite : réseau vasculaire raréfié, hiérarchisé, armature dense de collagène en trousseaux, ré orientation selon les lignes de tension (horizontalisation)

figure 35

Cicatrisation proprement dite : détail

figure 36

Cicatrisation proprement dite : vers l’achèvement du processus de cicatrisation

figure 37

Cicatrisation proprement dite : détail

LES RÉSULTATS DU PROCESSUS DE CICATRISATION

Ils sont fonction de nombreux facteurs locaux ou systémiques.

 

Facteurs locaux :

 

Le type de l’agression et son importance : incision chirurgicale ou arrachement tégumentaire ne provoquent pas les mêmes dégâts tissulaires. La présence de corps étrangers peut gêner la détersion et donc la constitution du tissu de granulation ; de même la surinfection bactérienne peut être responsable de phénomènes de suppuration gênant cette détersion.

 

Facteurs systémiques :

 

Des carences diverses vont modifier les capacités de synthèse de collagène ou de la matrice extra cellulaire ou fibrillaire ; la micro angiopathie diabétique perturbe la constitution du tissu de granulation…

 

La restitution de l’intégrité tissulaire

 

C’est l’évolution d’une plaie chirurgicale « propre », peu étendue pour laquelle les différentes phases décrites ci-dessus aboutissent à un tissu conjonctif semblable au tissu pré existant, avec des trousseaux de collagène et un réseau vasculaire orientés à l’identique ; seul le réseau élastique n’a pu être reconstitué (la résistance du tissu « cicatriciel » n’est que 70% de celle du tissu initial).

figure 38

Restitution de l’intégrité : réseau vasculaire identique au réseau antérieur, trousseaux de collagène un peu désorientés, fibroblastes en nombre réduit

figure 39

Restitution de l’intégrité : en haut, armature collagène de même orientation que celle du derme intacte adjacent ; en bas, coloration des fibres élastiques à l’Orcéïne avec disparition du réseau élastique au sein de la cicatrice

Cicatrice hypertrophique et chéloïde

 

Quand la détersion se fait difficilement, perturbant la constitution du bourgeon charnu, son orientation, sa réorganisation et celles de l’armature de collagène, il s’ensuit des zones de cicatrice mal orientées, en amas nodulaires, aux trousseaux de collagène épais, au réseau vasculaire mal différencié.

figure (40

Fibrose chronique : orientation anarchique de la matrice collagène avec disposition nodulaire, amas de fibres élastiques désordonnées

figure 41

Fibrose chronique : idem avec coloration des fibres élastiques par l’Orcéïne

figure 42

Cicatrice hyperplasique : fibrose nodulaire dene

Chez certains patients pour des raisons mal connues, une dérégulation de l’équilibre synthèse-catabolisme du collagène aboutit à la formation d’épais trousseaux de fibres compactes, hyalines, s’agençant en nodules, ne cessant de croître et aboutissant à de volumineuses cicatrice chéloïdienne.

figure 43

Chéloïde : épais trousseaux de collagène compacte, hyalin, avec capillaires éparses et rares fibroblastes, l’ensemble tendant à former de volumineux nodules

figure 44

Chéloïde : idem détail

figure 45

Chéloïde : idem détail

figure 46

Chéloïde : idem détail

figure 47

Chéloïde : idem détail

AU TOTAL la cicatrisation est le résultat d’un ensemble de phénomènes d’intensité variable selon l’importance et le type de l’agression, l’importance des dégâts tissulaires qui s’articulent, de façon plus ou moins harmonieuse, afin de restituer l’intégrité tissulaire initiale. Il existe en outre des facteurs individuels, certains inconnus et imprévisibles, qui interviennent dans le déroulement de ces phénomènes.

Le processus de cicatrisation d'un point de vue histologique